Le projet de mise en œuvre de l'initiative populaire "Contre l'immigration de masse" proposé par le Conseil fédéral ne convainc pas les associations économiques.
Depuis le 9 février 2014, la Suisse fait face à un dilemme majeur quant à l'acceptation de l'initiative sur l'immigration de masse. La CVCI a combattu cette initiative. Même si elle regrette les résultats de cette votation, elle a à cœur de respecter la volonté populaire et, par conséquent, de mettre en œuvre ce nouvel article constitutionnel. Elle rejette toutefois le projet de mise en œuvre du Conseil fédéral sur lequel elle a été consultée. Elle se joint ainsi à la consultation commune de 19 organisations économiques romandes, qui prônent des solutions pratiques, non bureaucratiques et supportables pour les entreprises. L'application stricte du texte risquerait d'aboutir à la résiliation des accords bilatéraux, ce qui n'est pas souhaitable. Rappelons qu'ils ont été soutenus, à de multiples reprises, en votation.
Le remède réside dans la mise en place d'une clause de sauvegarde permanente, qui ne serait activée qu'en cas de dépassement d'un seuil limite d'immigration. Cette solution a été affinée par les organisations économiques romandes, qui s'unissent pour prendre position pour la première fois. Le concept de "clause de sauvegarde" prévoit que le Conseil fédéral introduise, par voie d'ordonnance, un plafond d'immigration. Ce chiffre est flexible et peut donc être ajusté. Tant que le plafond du contingent global n'est pas atteint, le marché du travail peut fonctionner librement. Au-delà du seuil d'immigration nette prévu par le Conseil fédéral, il serait possible de considérer que le préjudice causé à la Suisse est tel que des mesures temporaires doivent être prises. Aussitôt que l'immigration repasserait au-dessous de la limite fixée, les mesures seraient levées et le principe de la libre circulation des travailleurs de l'UE serait à nouveau en vigueur dans sa configuration habituelle. En cas de dépassement du premier plafond, des contingents temporaires seraient introduits. S'ils ne permettent pas de freiner l'immigration et que le second plafond est atteint, l'immigration serait totalement gelée. Les frontaliers seraient exclus de ce mécanisme, puisqu'ils ne font pas partie de la population résidant en Suisse. Les citoyens de l'UE/AELE qui séjournent jusqu'à douze mois sur le sol helvétique et y travaillent seraient également exclus du système de contingents. Cette solution a un double avantage : elle respecte la volonté populaire tout en ménageant un espoir de conserver les Bilatérales.
L'Union européenne a clairement indiqué qu'elle n'accepterait ni contingents permanents, ni préférence nationale. L'option de la mise en place d'une clause de sauvegarde ne garantit pas non plus de réussir à préserver les accords bilatéraux, mais, de toutes les solutions proposées à ce jour, c'est la plus prometteuse.
Objectif prioritaire : éviter la clause de sauvegarde
Les représentants des milieux économiques ont également souligné que, dans l'idéal, il ne serait pas nécessaire d'activer le système des contingents, à condition de mieux utiliser le potentiel des travailleurs indigènes. Au vu de la pénurie de main-d'œuvre, la majorité des entreprises s'efforcent depuis quelque temps déjà d'encourager l'engagement de travailleurs indigènes, par des mesures prises dans différents domaines, la participation au marché du travail des femmes, des travailleurs âgés et des jeunes. L'Etat, en tant qu'employeur, devra également montrer l'exemple et contribuer à l'effort.
La Suisse romande est une économie ouverte. Elle est aussi dépendante de ses bons rapports avec ses principaux partenaires. L'Accord sur la libre-circulation des personnes lui a ainsi permis d'accompagner la formidable croissance économique de ces quinze dernières années. Le choix exprimé le 9 février 2014 doit évidement être respecté, mais il est aussi indispensable de laisser une certaine souplesse aux entreprises pour pouvoir engager les bras et les compétences qui lui manquent et qui ne se trouvent pas sur le sol suisse. La clause de sauvegarde proposée par les milieux patronaux offre un compromis qui permet d'assurer la volonté du peuple tout en ne pénalisant pas trop fortement l'économie.
Arditë Shabani
(Pour LeJournal CVCI n°62 - juin 2015)
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