La Suisse a rétabli le dialogue avec Bruxelles six mois après avoir rejeté l’accord institutionnel. Ces retrouvailles pour le moins tièdes n’augurent pas d’un déblocage rapide de ce dossier. Il y a pourtant urgence à s’entendre sur un nouveau cadre avec notre principal partenaire économique.
On ne peut pas dire que l’ambiance était au beau fixe, ce lundi, lorsqu’Ignazio Cassis, notre chef des Affaires étrangères, a effectué le déplacement de Bruxelles pour reprendre contact avec un partenaire que la Suisse a éconduit de manière assez cavalière en mai dernier. Dans ce contexte tendu, l’UE a clairement manifesté son intention de remettre rapidement la question institutionnelle sur la table des négociations, alors que le Conseil fédéral souhaite renvoyer ce dossier au-delà des élections fédérales de 2023. Selon la presse, Maros Sefcovic, chargé du dossier Suisse pour l’UE, attend déjà une feuille de route claire et précise pour janvier prochain, lorsqu’il retrouvera Ignazio Cassis à Davos à l’occasion du Forum économique mondial.
A mes yeux, le fait que l’UE souhaite faire avancer le dossier rapidement constitue un signal positif. Il est urgent que Berne et Bruxelles discutent d’un accord global, dont notre économie ne pourra que bénéficier. Il faut rappeler que l’Europe des 27 reste de loin notre partenaire commercial le plus important. L’abandon de l’accord institutionnel a déjà entraîné des conséquences funestes sur la reconnaissance mutuelle des produits médicaux, qui est tombée dans la foulée de la décision fédérale de mai dernier. Si la plupart des medtech suisses s’y sont préparées en recourant à des mandataires au sein de l’UE, les risques de pénurie de dispositifs médicaux et de perte de compétitivité demeurent. Certaines medtech sont tentées de délocaliser leur production. D’autres accords menacent de connaître le même sort, faute d’accord-cadre.
Nombrilisme malvenu
Le Conseil fédéral laisse entendre que la Suisse est en bonne position pour négocier, car le Parlement a donné récemment son accord au versement du deuxième milliard de cohésion. C’est oublier que cette contribution était due depuis des années. L’exécutif assure par ailleurs que l’UE doit beaucoup à notre pays, car il occupe plus de 300 000 frontaliers. Il est vrai que chacun y gagne, mais que serait devenu notre système hospitalier durant la pandémie sans ce personnel venu d’outre-Jura? Nous ne sommes pas autant en position de force que le dit le CF. Et les talents dont l’économie a si grand besoin, comment viendraient-ils sans la libre circulation des personnes? La vision selon laquelle les 27 nous sont redevables s’apparente à du nombrilisme pour le moins inadéquat.
La réalité est la suivante: lorsqu’elles ont abandonné l’accord-cadre, nos autorités ne disposaient pas d’un plan B, faisant preuve alors d’un amateurisme coupable. Le gouvernement donne ainsi l’impression qu’il ne sait pas où il va. Il envisagerait pour l’heure la conclusion d’accords sectoriels, qui nécessiteront chaque fois des discussions serrées, alors qu’un traité global, comme un accord-cadre, permettrait de disposer d’un socle solide et de limiter les concessions.
La Suisse se trouve véritablement à la croisée des chemins avec l’UE. Il s’agira d’emprunter rapidement la voie du bon sens.
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