La Suisse mise sur ses compétences diplomatiques pour entrer en discussion avec Donald Trump après son annonce choc du relèvement des droits de douane à l’importation. «C’est une bonne chose que le Conseil fédéral ne prévoit pas en ce moment d’exercer des représailles », selon Rahul Sahgal, directeur de la Chambre de commerce Suisse – Etats-Unis. Dans ce contexte chaud bouillant, la CVCI s’est entretenue avec le responsable pour prendre le pouls en vue d’informer ses membres.
Avez-vous été surpris par l'ampleur des taxes douanières (31%) infligées à la Suisse?
Je suis étonné, oui. Je m’attendais à un calcul plus sophistiqué de la part de l’administration américaine, prenant en compte le fait que la Suisse n’applique pas de droits de douane à l'importation de biens industriels. Ce fut un simple calcul basé sur une division par deux du montant des exportations du pays et son déficit. «That’s it!» Depuis ces annonces, les signaux semblent montrer qu’il est plutôt l’heure d’entamer des négociations que d’exercer des représailles.
Négocier avec les autorités américaines, c’est effectivement ce qu’a annoncé vouloir faire le Conseil fédéral dans la foulée des déclarations de Donald Trump. Quel est votre avis à ce propos?
C’est une bonne chose. En ce moment, cela n’a pas beaucoup de sens d’exercer des représailles. Cela pourrait empirer notre situation en faisant davantage exploser les coûts des importations pour la Suisse, avec des répercussions directes sur les prix pour les industries et les consommateurs. Et puis, nous ne représentons que 2% du marché exportateur américain. Mieux vaut ne pas fâcher Donald Trump et plutôt entrer en discussion avec lui. Bien que des contre-mesures pour riposter soient prêtes, l’Union européenne se donne un mois pour négocier avec le président américain.
La Suisse est le 6e pays investisseur aux Etats-Unis et le plus important en matière de recherche et de développement. L’économie suisse crée de nombreux postes de travail avec les salaires les plus élevés et, par conséquent, un nombre non négligeable d’investissements aux Etats-Unis. Cette réalité vient s’aligner sur la vision tant recherchée par Trump: de l’emploi, des investissements dans la recherche et le développement. La Suisse est peut-être petite en taille, mais elle est un acteur de poids au même niveau que la France et l’Allemagne en matière d’investissements.
Quels messages adresser à nos chefs d’entreprises qui s’inquiètent à juste titre?
Le Conseil fédéral et les faîtières économiques doivent faire leur maximum pour que le pourcentage décrété de 31% baisse et n’entre pas en vigueur le 9 avril prochain. Sans aucune garantie malheureusement. Quant au 10% qui est effectif depuis le 5 avril, c’est une manière pour Trump de maintenir tous les pays au même niveau. Nous ne nous situons pas dans une situation de désavantage compétitif vis-à-vis des autres pays. Il faut garder espoir de voir baisser les 31% ou obtenir un moratoire en vue de négociations comme cela a été le cas avec le Mexique. Le Conseil fédéral prévoit de se rendre ce printemps (du 21 au 26 avril) à Washington pour la rencontre du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
On connaît la tactique de Donald Trump: intimider puis revenir (parfois) en arrière. Cela peut-il être le cas?
Effectivement, il se peut que le président américain revienne en arrière. Pour la Suisse, personne ne peut dire quand ni sous quelle forme se fera le dialogue, mais mon ressenti est de dire qu’il aura bien lieu – quels que soient le contenu et le résultat de l’échange. L’Argentine et Israël ont depuis lors réussi à obtenir des concessions.
Dans l’immédiat, je ne peux que conseiller aux entreprises suisses d’attendre et de voir. «Wait and see» semble être la meilleure posture à adopter pour l’instant et de se tenir informés de l’évolution de la situation sur les sites de la Confédération, de la Maison Blanche et des organisations économiques telles que les Chambres de commerce. Malheureusement, il faudra prendre son mal en patience. L’incertitude va planer encore un certain temps.
Propos recueillis le 4 avril 2025 par Romaine Nidegger
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