La menace de pénurie d’énergie qui plane sur la Suisse à court, moyen et long terme galvanise les débats. Dans ce contexte de tension, l’Association suisse des électriciens (ASE) a présenté cette semaine une étude instructive, Avenir énergétique 2050, qui modélise différents scénarios sur l’évolution du système énergétique de notre pays. L’enquête, réalisée en collaboration avec le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa), montre comment ce système peut évoluer à travers quatre scénarios réalistes s’appuyant sur deux dimensions générales. Pour l’ASE, d’une part, l’acceptation de nouvelles infrastructures énergétiques (développement «offensif» contre «défensif») a une incidence sur la transformation du système. D’autre part, l’intégration de la Suisse dans le marché européen de l’énergie, à travers la conclusion d’accords avec l’Union européenne (UE), constitue également un facteur d’influence (Suisse «intégrée» contre «isolée»).
Ce n’est pas un scoop: nos besoins en énergie vont s’accroître significativement à l’horizon 2050 avec l’électrification galopante de la société, couplée à l’abandon graduel du pétrole, du charbon et du nucléaire. Pour l’AES, ces besoins diminueront légèrement grâce à l’amélioration des technologies et aux mesures d’efficacité, mais le remplacement des énergies fossiles dans les transports et les applications de chaleur entraîneront dans le même temps une forte augmentation du recours à l’électricité, qui passera de 62 TWh actuellement à 80 à 90 TWh, soit une hausse de 25 à 40% selon les scénarios! L’augmentation de ces besoins et l’abandon progressif des centrales nucléaires suisses d’ici à 2044 créeront un déficit de production de 37 TWh, qui devra être comblé par la construction de nouvelles installations.
Gouverner, c’est prévoir…
Pour faire face à ces besoins notablement accrus, l’AES est formelle: «L’acceptation élevée de nouvelles infrastructures énergétiques et une étroite coopération énergétique avec l’UE créent les meilleures conditions pour assurer la sécurité de l’approvisionnement et atteindre les objectifs énergétiques et climatiques.» Selon les scénarios, les électriciens jugent que le remplacement des importations actuelles de combustibles fossiles par l’électricité entraîne même une réduction des coûts annuels du système de 1 à 5 milliards de francs.
Le recours accru au photovoltaïque et à l’éolien indigènes contribuera à sécuriser notre approvisionnement, en particulier pendant la saison froide. Mais l’AES ne se leurre pas: la Suisse devra continuer à importer du courant: «La dépendance aux importations en hiver passe de 3 TWh aujourd’hui à 7 TWh dans le scénario «offensif-intégrée» et à 9 TWh dans le scénario «défensif-isolée». Au passage, on peut se demander si abandonner l'atome suisse pour acheter davantage d’électricité nucléaire à la France voisine est réellement plus «propre».
Les conclusions de cette étude n’en demeurent pas moins limpides: la sécurisation de notre approvisionnement énergétique passera par des investissements considérables dans les énergies renouvelables, la restructuration et l’extension du réseau électrique et l’efficacité énergétique, ainsi que par une étroite coopération avec l’UE. Puisse ce dernier message parvenir jusqu’aux oreilles du Conseil fédéral!
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