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Après le Brexit, le CHexit ?

    

Sourires, poignées de mains, à deux et même à trois : le 11 février dernier, Berne a vécu l’une de ces signatures qui ravissent les ministres, où les paraphes concrétisent d’intenses négociations et portent de belles promesses.

La Suisse et le Royaume-Uni ont signé un accord commercial qui reprend (presque) toutes les conditions de libre-échange fixées dans les accords bilatéraux avec l’Union européenne, garantissant une continuité des transactions économiques entre les deux pays même dans l’éventualité d’un « Brexit dur », c’est-à-dire d’une absence de ratification par le parlement britannique de l’accord de sortie négocié par la Première ministre Theresa May. Pour rappel, la date butoir, sur laquelle l’UE a exclu de revenir, est le 29 mars, soit demain.

L’accord Suisse – Royaume-Uni est le plus important du genre signé par Londres depuis que les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté ont décidé de quitter l’Union européenne. Il a même été étendu par convention au Liechtenstein – ce qui explique l’effusion à trois devant les caméras. On ironise, mais ce texte ne représente pas rien. Quelques chiffres pour s’en convaincre :  en 2017, le Royaume-Uni représentait le 6e marché d’exportation (11,4 milliards de francs) et le 8e marché d’importation (6 milliards de francs) pour la Suisse. Pour les Britanniques, la Suisse est le 5e pays hors UE qui achète le plus ses biens. Valeur totale des échanges commerciaux en 2017 : plus de 41 milliards de francs. Et les investissements directs réciproques se montent à plus de 110 milliards de francs, très légèrement en faveur de Britanniques.

Des risques pour la Suisse
En résumé, un accord qui pérennise les conditions actuelles d’échange entre deux pays aussi imbriqués économiquement ne peut être que salutaire. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Car c’est en se penchant sur les commentaires outre-Manche que l’on mesure ce que la Suisse risque dans cette affaire. Pour les observateurs de la politique économique britannique, l’étape « suisse » est un bien maigre butin, les pays-clés pour l’économie du Royaume-Uni n’ayant pour l’heure même pas daigné discuter d’un texte similaire. Personne ne semble croire à un Brexit dur… ou alors, chacun cache bien son jeu et attend pour voir quelles opportunités s’offriront si d’aventure il faut négocier pied à pied avec Londres de nouveaux cadres bilatéraux.

Un cas de figure qui pourrait bien pendre au nez de la Suisse. A force de repousser sans cesse les limites d’un accord cadre avec l’Union européenne, le Conseil fédéral prend le risque majeur de voir sa cause assimilée à celle du déserteur britannique. Après le Brexit, le CHexit ? Bien sûr, la Suisse n’est pas membre de l’UE. Mais elle a construit avec celle qui compte pour 60% de ses exportations une relation politico-économique équilibrée, patiemment ajustée, qui nécessite aujourd’hui une nouvelle base pour prolonger ce lien bilatéral à succès. L’Union européenne pourrait drastiquement revoir les conditions de ces « bilatérales » qui semblent aller de soi pour nous, à tel point que certains ne se rendent plus vraiment compte de leur importance, et s’imaginent qu’elles sont gravées dans le granit des Alpes.

L’accord-cadre institutionnel négocié avec l’UE, présenté en décembre dernier par le gouvernement, comporte surtout des avantages pour la Suisse. Cessons de les minimiser et prenons plutôt conscience de leur caractère essentiel pour la santé de notre tissu économique. Imaginons un instant devoir renégocier « à la britannique » avec l’Europe… ce serait lâcher la proie pour l’ombre.

Écrit par :

Claudine Amstein

Directrice de la CVCI

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