L'initiative 1:12 interdit à un salarié de gagner en un mois davantage qu'un collègue de la même entreprise en une année. Simple, simpliste même. Pourquoi 1:12 et pas 1:19 ou 1:5 ? La raison est purement démagogique: il est plus facile de vendre au (bon) peuple un rapport mois/année. Mais là n'est pas la question. La question fondamentale est la suivante : qui doit fixer les salaires ? Les employeurs et les salariés, respectivement les partenaires sociaux dans les secteurs conventionnés, ou l'Etat ?
Les entreprises n'appartiennent pas à l'Etat et ce dernier ne doit pas se voir attribuer la compétence de décréter si un salaire est juste ou non. La politique salariale constitue – et doit rester ! - l'un des éléments essentiels de l'autonomie contractuelle et du partenariat social. L'initiative des jeunes socialistes s'en prend ainsi à l'un des piliers de la flexibilité du droit du travail suisse, atout majeur de notre système juridique qui nous place dans une position enviable, comme en attestent de nombreux indicateurs économiques : le taux de chômage, surtout celui des jeunes, est largement inférieur à celui de la quasi-totalité des pays européens. Le taux d'activité, tant pour les femmes que pour les hommes, dépasse largement la moyenne européenne et atteint des sommets inégalés dans les tranches d'âge 15 à 24 ans et 50 à 64 ans. Voulons-nous prendre le risque de perdre ces avantages en changeant de paradigme ? Même les écarts salariaux ne justifient pas un tel interventionnisme : ils sont raisonnables en Suisse en comparaison internationale, et notamment inférieurs à ceux constatés en France et en Allemagne. Pourtant, aucun de ces pays, pas même la France et son carcan législatif ultra rigide, ne connaît de règles aussi strictes que celle prévue par l'initiative 1:12.
Cette initiative est d'autant plus néfaste qu'elle ne se limite pas à combattre certains abus, mais concerne en réalité toutes les entreprises. En effet, même si l'immense majorité d'entre-elles respectent le ratio 1:12, toutes devront le prouver lors des contrôles menés par les autorités administratives chargées d'appliquer la loi. Quant à celles qui ne seraient pas «conformes», nul besoin de s'y plier, il leur suffira de prendre des mesures organisationnelles telles qu'une scission de l'entreprise en deux structures juridiques indépendantes ou une délocalisation de certaines activités faiblement rémunérées à l'étranger. Non pas dans le but de contourner la loi, mais simplement pour survivre dans un contexte concurrentiel globalisé.
Last but not least, n'oublions pas que les hauts salaires contribuent très largement au financement des prestations de l'Etat (10 % des revenus les plus élevés génère 75 % de l'IFD) et des assurances sociales, AVS et AI en tête. Un plafonnement de ces salaires ferait perdre de substantielles rentrées fiscales (environ 1 milliard) et cotisations sociales (plus de 500 millions pour l'AVS/AI), qu'il s'agira de compenser par des coupes dans les prestations ou de nouvelles contributions. Tout le monde passera à la caisse !
Mathieu Piguet
(Pour LeJournal CVCI n° 42 - septembre 2013)
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Initiative 1:12 - non à une «solution» simpliste et néfaste !
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