Les initiatives populaires préjudiciables à l'économie s'enchaînent malheureusement les unes aux autres. Après celles sur le salaire minimal, sur la réintroduction des contingents pour les salariés européens venant en Suisse («contre l'immigration de masse»), sur la limitation des salaires maximum à douze fois le plus bas revenu, sur un salaire minimal à 4000 francs, sur une taxe sur l'énergie sensée remplacer la TVA, nous votons le 14 juin prochain sur une initiative visant à imposer à 20 %, au niveau fédéral, les successions supérieures à 2 millions de francs. Cette mesure concernerait un nombre très important de PME familiales, qui courraient le risque d'être contraintes à la vente, au démantèlement ou à des difficultés financières majeures en raison des charges supplémentaires imposées aux descendants directs qui reprennent la société.
Les initiants (Parti évangélique, syndicats et la gauche) niaient tout problème jusqu'il y a peu. Ils tentent désormais d'arrondir les angles en affirmant que les successions qui touchent des entreprises pourraient être soumises à des franchises plus élevées que les 2 millions fatidiques, une somme extrêmement vite atteinte. De quelle ampleur ? Le chiffre de 8 millions de francs était évoqué il y a quelques mois… certains parlent maintenant de 50 millions de francs. Faut-il les croire ? Il ne s'agit en fait là que d'une idée qui n'engage que leurs auteurs. L'initiative sur laquelle le peuple se prononcera n'évoque aucun montant. C'est donc un chèque en blanc.
Il faut par ailleurs être conscient que l’initiative entraînera des suppressions d’emplois et des disparitions d'entreprises, quel que soit le montant de la franchise. On peut déplacer peu ou prou le curseur, cela n'évitera pas que des sociétés saines et prospères se retrouvent vendues à des concurrents ou plombées de dettes en raison de ces nouvelles dispositions successorales. Le pire, c'est que cela ne contribuera même pas à aider l'AVS, les montants tirés de cette initiative étant assez peu prévisibles d'une année à l'autre.
Ce texte est en outre truffé de problèmes. Il introduit par exemple un élément de rétroactivité (au 1er janvier 2012) pour les donations. Il s'agit évidemment là d'une atteinte inadmissible à la sécurité du droit, car si chaque acte administratif que nous réglons au quotidien pouvait être corrigé par la suite, nous sombrerions dans l'arbitraire absolu. Autre difficulté : l'initiative ne respecte pas l'unité de la matière, nous votons sur un nouvel impôt et sur le financement de l'AVS. Une fois de plus, les Chambres fédérales n'ont pas eu le courage d'invalider le texte…
Cette initiative doit être rejetée avec force. Après les refus secs et sonnants des six semaines de vacances, du salaire minimal et de la taxe sur les énergies non renouvelables, il importe de donner un nouveau signal clair aux mouvements, organisations et partis qui utilisent la démocratie à des fins marketing. La gauche a déjà d'autres textes tout aussi néfastes dans le pipeline, comme l'initiative visant à interdire le financement du négoce de produits alimentaires ou celle demandant le versement d'un revenu de base pour tous, enfants compris. Il est grand temps de revenir à l'essentiel.
Claudine Amstein, Directrice de la CVCI
(Pour LeJournal CVCI n° 60 - avril 2015)
(Pour LeJournal CVCI n° 60 - avril 2015)