Le Conseil fédéral a – enfin! – publié hier ses projets d’ordonnances sur les mesures qu’il prévoit en cas de pénurie d’électricité. Ces textes, qui règlent les restrictions et interdictions d’utilisation, le contingentement ainsi que les délestages, font l’objet d’une consultation raccourcie jusqu’au 12 décembre 2022.
Ces mesures, qui prévoient quatre paliers, pourraient toucher durement les gros consommateurs affichant une consommation annuelle d'au moins 100 mégawattheures (MWh). On en dénombre 34’000 en Suisse et environ 4000 dans le canton de Vaud. A l'origine de près de la moitié de la consommation de courant en Suisse, ces entreprises pourraient subir un contingentement pouvant aller jusqu’à un mois. Où est la flexibilité que demandaient les associations économiques? Le Conseil fédéral n’a pas entendu cet appel, et méconnaît en cela les réalités du terrain. Pour certaines entreprises qui travaillent en continu, il est impossible de réduire la consommation, sous peine de devoir arrêter la production. On aurait aimé davantage de souplesse dans ce domaine. Ce message sera relayé.
Dans ce contexte, on regrette aussi que le gouvernement ne se préoccupe pas des gros consommateurs qui voient leur facture énergétique exploser. On le sait, quand une société a choisi de s’approvisionner sur le marché libre, elle ne peut pas revenir sur le marché régulé. Face à cette situation, les entreprises n’ont d’autre choix que de négocier avec les fournisseurs ou d’acheter du courant au jour le jour sur le marché spot.
Cependant, presque en douce et en marge de la consultation lancée hier, le Conseil fédéral a annoncé hier une modification de l’ordonnance sur l’approvisionnement en électricité (OApEl), qui dispose notamment que «les grands consommateurs qui ont jusqu’ici acheté sur le marché libre l’électricité dont ils avaient besoin peuvent retourner dans l’approvisionnement de base en rejoignant un regroupement dans le cadre de la consommation propre (RCP).» Il existe cependant des restrictions: le grand consommateur et le RCP concerné ne peuvent par exemple plus revenir sur le marché libre durant sept ans. Cette première brèche dans le système étonne et crée une grande confusion, d’autant plus que ces retours, même s’ils ne devraient concerner qu’un petit nombre de grands consommateurs, entraîneraient des conséquences négatives pour les clients captifs qui devraient supporter ces coûts supplémentaires.
Pour en revenir aux mesures les plus sévères envisagées en cas de pénurie d’électricité, il est clair qu’elles toucheraient de plein fouet la substance même des entreprises. La question des indemnités (RHT) se poserait alors, comme ce fut le cas lors de la pandémie de Covid. Pour l'heure, le gouvernement reste discret sur cet aspect. C’est certain, il faut un plan B.
L’impression demeure pourtant que le Conseil fédéral compte sur un hiver doux pour que notre pays échappe au pire. Il lui reste à allumer un cierge, et tant pis pour son bilan carbone.