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La crise énergétique n'est pas derrière nous!

    

La Suisse a échappé aux coupures de courant cet hiver grâce à une météo clémente et à une gestion heureuse de l'approvisionnement et de la consommation. Ne nous leurrons pas: notre pays ne passera pas entre les gouttes ces prochains hivers sans mesures ni décisions fortes. 

L'automne dernier, nombre d'experts en énergie redoutaient un hiver sous le signe de la pénurie en raison, essentiellement, des conséquences de la guerre en Ukraine et des soucis d'approvisionnement en gaz que cela allait induire. Restrictions, contingentement voire délestage hantaient les esprits! Or, comme chacun l'a constaté, rien de tout cela ne s'est produit, même si l'hiver n'est formellement pas terminé. Tout le monde peut s'en réjouir, évidemment, même si l'économie a payé un tribut assez lourd au niveau des prix de l'énergie qui ont explosé. 

Si la Suisse a passé ce cap, elle le doit en premier lieu à un hiver clément, aux mesures prises par le Conseil fédéral au niveau des centrales à gaz de réserve, aux mesures d'économie décrétées dans les cantons et au nucléaire français, n'en déplaise aux milieux écologistes. Le printemps et l'été qui arrivent permettront à l'hydraulique et à nos centrales atomiques d'assurer largement notre alimentation électrique ces prochains mois. 

Cela dit, les sceptiques auraient tort de penser que la crise énergétique est derrière nous. Loin s'en faut! Notre pays reste dépendant des importations d'électricité en hiver, et cela ne risque pas de s'arranger avant longtemps. Le conflit russo-ukrainien n'est pas résolu, la part des énergies renouvelables dans notre consommation reste très insuffisante et l'apport énergétique d'outre-Jura reste aléatoire en raison de la vétusté du parc nucléaire français. Sans parler de l'absence d'accord sur l'électricité avec l'Union européenne, qui menace très clairement notre approvisionnement déjà à court terme. 

La session des Chambres fédérales qui se déroule actuellement est largement placée sous le signe de l'électricité. En perspective: une certaine sécurisation de nos apports énergétiques. Ce mercredi, après le solaire, le National a accepté par 134 voix contre 51 un projet visant à accélérer les procédures d'autorisation de construction des installations éoliennes et à raccourcir celles des recours en justice. Le dossier repart pour le Conseil des Etats. 

Le chantier du siècle! 

Ces efforts sont louables, mais l'accélération des procédures et les limitations des droits de recours ne permettront pas de combler de sitôt notre manque de courant électrique. C'est d'autant plus probable que nos centrales nucléaires vont devoir être arrêtées les unes après les autres d'ici à 2044 (celle de Leibstadt) au plus tard, nous privant graduellement d'un tiers de notre production. Lorsque l'on sait que l'électrification croissante de notre société nécessitera 40 à 50 TWh d'énergie en plus des 60 actuellement produits, on mesure l'ampleur des chantiers qui se profilent. Selon les scénarios élaborés par les spécialistes, entre 45 et 82 milliards de francs d’investissements seront nécessaires d’ici à 2050, selon le rythme de développement de la mobilité électrique, des pompes à chaleur et de la production solaire. 

Nous voici donc face au chantier du siècle! Il va falloir du courage, de l'innovation et, surtout, la volonté de simplifier encore les procédures pour toutes les énergies renouvelables et d'investir enfin massivement dans cette transition. L'urgence n'est pas que climatique, elle est aussi énergétique. 

Écrit par :

Jean-François Krähenbühl

Chargé de communication