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Stratégie énergétique : toujours des réserves, mais premiers pas dans la bonne direction

    

La transition du nucléaire vers le renouvelable doit se faire en respectant les mécanismes du marché. La Suisse ne peut pas se permettre un cavalier seul en matière de fiscalité écologique.

Le message sur la stratégie énergétique du Conseil fédéral, présenté début septembre, est plus pragmatique que ce qui avait été envisagé il y a un an. Il se traduit au final par une refonte totale de la loi sur l'énergie (LEne), en 79 articles. Premier point positif, les mécanismes de marché sont davantage intégrés à la mise en œuvre de la sortie progressive du nucléaire. Deuxième point, l'horizon 2050 cède la place à des visées moins lointaines, désormais fixées à 2035 (date citée dans la loi), même si le but à atteindre demeure très ambitieux.
Qu'en est-il concrètement? La LEne soumise à consultation prévoit tout d'abord des objectifs stricts de réduction de la consommation: -3 % de consommation moyenne par année (par rapport à 2000) d'ici à 2020  et -13 % d'ici à 2035. La consommation totale d'énergie doit baisser de 16 % d'ici à 2020 et de 43 % d'ici à 2035. Côté production de nouvelles énergies renouvelables, elle stipule qu'il «convient de viser un développement permettant d’atteindre au moins 4'400 GWh en 2020 et au moins 14'500 GWh en 2035». Ce qui signifie un doublement dans les sept ans par rapport à la production actuelle, et une multiplication par sept au cours des deux prochaines décennies.
Cette politique volontariste passe par une batterie de mesures, dont voici un aperçu (non exhaustif) :
augmentation à 2,3 centimes (actuellement 0,45 centimes, mais plafond à 0,9 centime, qui devrait normalement être relevé à 1,5 centime) du supplément prélevé sur chaque kWh pour la rétribution à prix coûtant de la production de courant vert. L'aide pour le photovoltaïque ne sera plus accordée que pour quinze ans, contre 25 ans actuellement et la subvention au kWh sera baissée d'un tiers. Les sociétés électriques passeront des contrats de droit privé avec les propriétaires de panneaux solaires et les rétribueront en fonction des besoins du marché. Les plus petites installations ne toucheront plus qu'une subvention unique, sans rachat de l'électricité à prix préférentiel;
  • obligation, pour les producteurs d'électricité, de faire diminuer la consommation de leurs clients, par périodes de trois ans. Ceux qui dépasseront les objectifs - une baisse de la consommation de 1 à 2 % - obtiendront des certificats qu'ils pourront revendre. S'ils ne respectent pas les quotas, ils seront sanctionnés d'une pénalité de 5 centimes par kWh, ce qui ne les dédouanera pas, en plus, de leur obligation d'atteindre les buts fixés au cours de la période suivante;
  • la taxe sur le CO2 sera augmentée à 84 francs par tonne (actuellement de 36 francs par tonne, elle passera à 60 francs en janvier 2014). Cela permettra de mettre 525 millions de francs par an à disposition pour des programmes d'assainissement des bâtiments. Les cantons seront mis à contribution puisqu'ils devront fournir un tiers de cette somme;
  • pour les véhicules neufs, les émissions tolérées de CO2 par kilomètre seront abaissées à 95 grammes (130 grammes exigés dès 2015);
  • des zones d'intérêt national pour l'approvisionnement en énergies renouvelables seront promulguées. Les procédures d'autorisation seront ainsi simplifiées. Il sera possible de déroger aux dispositions qui protègent certains sites naturels;
  • fermeture des centrales nucléaires lorsqu'elles seront en fin de vie (et non en fonction d'une échéance «politique»).
Pour l'économie, toute modification législative doit veiller à garantir une sécurité de l'approvisionnement à des prix compétitifs. Pour le secteur de l'électricité, les mesures proposées visant à appliquer des règles du marché au photovoltaïque sont essentielles, si l'on veut éviter de perturber complètement le marché. Dans cette optique, une augmentation du supplément pour la RPC à 2,3 centimes n'est pas souhaitable.
L'idée d'obliger les producteurs d'électricité à diminuer la consommation de leurs clients pose problème en créant un dangereux précédent. Ce système transfère un objectif de politique fédérale à des sociétés dont le but premier n'est pas de promouvoir la transition énergétique, mais de fournir un bien, en l'occurrence de l'électricité. Il y a mélange des genres.
Les milieux économiques sont encore d'avis qu'une meilleure intégration dans les marchés internationaux ainsi qu'un accord bilatéral sur l'électricité avec l'Union européenne (UE) doivent faire partie intégrante de la stratégie 2035 de la Suisse. A ce titre, les variantes de fiscalité écologique soumises à consultation (qui prévoient une hausse des tarifs de l'électricité, en plus d'une surtaxe pouvant atteindre 29 centimes par litres sur les carburants) ne sont pas réalistes. Si elle veut préserver sa compétitivité, la Suisse ne peut pas faire cavalier seul. Le Conseil fédéral estimant que les objectifs de baisse de la consommation ne pouvant être atteint qu'à 50 % sans fiscalité écologique, il convient de les revoir en se fixant des ambitions et des moyens réalistes. Par exemple en réintégrant les installations de production à gaz (CCF) dans les priorités stratégiques.   Philipe Gumy
(Pour LeJournal CVCI n° 42 - septembre 2013)