L'un des éléments clés de la compétitivité de la Suisse réside dans sa stabilité, sur les plans politique, juridique et fiscal. En choisissant notre pays pour créer ou agrandir leur entreprise, les investisseurs savent à quoi s'attendre. Les lois ne changent pas en fonction de majorités gouvernementales, parfois aléatoires, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays, où l'alternance est la règle. La manière de fixer les impôts ne change pas plus fréquemment. La Suisse offre une visibilité à long terme. Ou plutôt «offrait» cette visibilité à long terme, devrais-je dire, car les changements se sont enchaînés à une vitesse jamais vue dans certains secteurs, comme la finance.
En matière fiscale, cette stabilité est également battue en brèche. Après des années de discussions tendues avec l'Union européenne, la Confédération s'est engagée à abandonner l'un de ses principaux atouts : les régimes spéciaux cantonaux. Ces dispositifs permettent de prélever, auprès des sociétés qui réalisent la plus grande partie de leurs affaires à l'étranger, un taux d'imposition sur le bénéfice des entreprises plus favorable que celui appliqué aux sociétés ordinaires.
Pour Vaud, cette transition est très dangereuse. La 3e comparaison fiscale intercantonale menée par la CVCI (pages 8 et 9) et publiée fin octobre montre en effet que notre canton demeure l'un de ceux où les ménages et les entreprises paient le plus d'impôts. Pour les sociétés, sur douze cantons analysés, seul Genève fait pire que nous. Vu le niveau des taux d'imposition «ordinaires», notre attractivité s'explique donc en large partie par ces régimes d'exception. Sans statuts spéciaux, Vaud n'est tout simplement pas compétitif pour les grands groupes étrangers.
Comment la promotion économique vaudoise peut-elle se profiler dans un tel contexte ? Soyons honnêtes, ses chances d'attirer des investisseurs internationaux sont nulles ou proches de zéro. Quelle grande entreprise étrangère – et même suisse - prendrait le risque d'injecter des dizaines de millions de francs dans notre région sans avoir une idée des impôts qu'elle paiera d'ici trois à quatre ans ? Nos salaires sont élevés, les loyers sont chers, le franc est surévalué, nos avantages résident – à côté de la flexibilité de notre marché du travail – avant tout dans notre stabilité, notre prévisibilité et une fiscalité favorable aux entreprises.
D'aucuns pourraient se réjouir de cette «pause» dans la croissance de notre canton. Ce serait pourtant faire preuve d'une belle naïveté ! Rien n'est immuable : la fermeture du siège de Merck Serono à Genève, la récente restructuration chez Philip Morris à Lausanne ou le départ de l'emblématique Yahoo de son site d'Eysins doivent résonner comme autant de signaux d'alarme : le tissu économique doit constamment être reconstitué.
Le flottement actuel fait perdre de la visibilité à notre canton et c'est peu dire que la phase que nous traversons est extrêmement délicate. Le canton de Vaud ne peut se permettre d'attendre que le dossier soit clarifié au niveau fédéral avant d'agir. L'excellente santé de nos finances publiques nous autorise à prendre des mesures rapides - une baisse du taux d'imposition ordinaire sur les bénéfices et un abandon des statuts spéciaux - pour restaurer notre compétitivité en matière fiscale. Nous retrouverions ainsi nos atouts perdus, pour le plus grand bénéfice de tous les Vaudois.
Claudine Amstein, Directrice de la CVCI
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Oriane Engel
Responsable du dossier Politique sociale et santé