Les multinationales sont-elles des structures hors-sol, coupées des réalités locales, des enclaves étrangères en terre romandes? Il est grand temps d'en finir avec les clichés trompeurs! Bon nombre de multinationales de l'Arc lémanique sont suisses et emploient des milliers de collaborateurs. Que l'on songe à Nestlé, Logitech, Kudelski, Bobst, Givaudan, Firmenich, SGS… Qu'elles soient anciennes, plus récentes, ou repositionnées par rapport à leurs activités d'origine, ces sociétés du cru symbolisent notre ouverture sur le monde. Elles reflètent aussi le sain esprit de conquête des entrepreneurs de notre région.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, les multinationales étrangères ne sont pas en reste en matière d'enracinement dans le terroir. Avec ses plus de 600 employés à Tolochenaz, le fabricant de stimulateurs cardiaques américain Medtronic est un pilier dans les techniques médicales au niveau national. A Genève, le géant des biens de grande consommation Procter & Gamble s'est hissé au rang de 3e employeur privé du canton, avec quelque 3000 collaborateurs, l'énorme majorité provenant de la région. Installé depuis 2010 seulement à Etoy, le groupe pharmaceutique Shire, dont le siège est à Dublin, compte déjà 250 collaborateurs, dont 200 recrutés localement.
Non, les multinationales ne sont pas de simples nids d'expatriés générateurs de nuisance. Rien n'est plus faux. Elles sont un poumon pour l'emploi, pour les entreprises locales sous-traitantes ainsi que pour l'innovation. Les enseignes que l'on voit du train ou de l'autoroute Lausanne-Genève montrent qu'elles font désormais autant partie du paysage que… nos vignobles ou la CGN. C'est une réalité! Nous ne pourrions plus nous passer de ces sociétés qui pèsent désormais pour plus de 40% dans la création de valeur totale de la région, dont une bonne part via leur consommation auprès d'entreprises locales, et qui financent plus de 90% des dépenses privées de recherche et développement (R&D).
Avec ses hautes écoles, sa main-d'œuvre qualifiée, multilingue, la région est attractive. La CVCI est bien placée pour s'en rendre compte puisqu'elle a le plaisir de compter la plupart des grandes entreprises internationales établies dans le canton parmi ses membres. Nous leur avons même dédié un service particulier, International Link, dont le but est d'accompagner et de favoriser leur intégration.
Il n'en serait pas moins présomptueux de croire que leur présence est aussi éternelle que nos montagnes. Le franc fort et des infrastructures désormais vieillissantes et sous-dimensionnées ont déjà ébranlé notre compétitivité. Parallèlement, Singapour, Hong Kong et même la Chine ne se gênent plus pour courtiser ouvertement les grands groupes internationaux. Pour l'instant, la Suisse - et notre région en particulier - résiste. Mais elle doit se battre pour rester dans la course.
Le plus grand défi, aujourd'hui, réside dans le règlement de notre différend fiscal avec l'Union européenne sur les régimes fiscaux spéciaux. Une solution euro-compatible est nécessaire et incontournable, à court ou moyen terme. Et l'on peut tourner le problème dans tous les sens: si l'on veut préserver notre tissu économique et notre prospérité, un abaissement général de la fiscalité des entreprises – avec l'abandon des taux plus favorables accordés aux holdings et sociétés auxiliaires - est la seule solution possible.
Claudine Amstein, directrice CVCI
(Pour LeJournal CVCI n° 34 - décembre 2012)
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Oriane Engel
Responsable du dossier Politique sociale et santé