Déferlante digitale oblige, chacun d’entre nous peut être joint partout, en tout temps. Les entreprises doivent-elles édicter des directives claires pour encadrer cette évolution? Ou faut-il légiférer? La réponse relève d’une certaine évidence.
Le smartphone est devenu un compagnon indispensable pour l’immense majorité d’entre nous. Une étude fédérale présentée cette semaine montre que les 16-25 ans y consacrent 4 heures par jour en moyenne, contre deux heures et demie pour les personnes âgées entre 40 et 55 ans. Cette enquête montre aussi que les jeunes sont plus conscients de leur dépendance à internet que les adultes. Dans les faits, le téléphone portable remplace allègrement l’ordinateur. Il n’est dès lors pas évident de tracer une frontière entre l’usage privé ou professionnel de ce nouveau graal de la communication. Des voix s’élèvent d’ailleurs pour demander que l’Etat légifère dans ce domaine pour préserver la sphère personnelle des employés. Par voix de motion, en 2017, une élue a demandé au Conseil fédéral (CF) d’édicter une loi pour accompagner l’évolution technologique du travail («Déconnexion en dehors des heures de travail»).
Les sept Sages n’ont pas jugé utile de donner suite à cette intervention. Ils ont souligné que, pour protéger la santé des travailleurs, il est important de définir des laps de temps pendant lesquels le travail doit être fourni et d’autres pendant lesquels il n’a pas à l’être. Dans la pratique, le CF juge déterminante la façon dont est concrètement réglementée la joignabilité dans l’entreprise. Cela peut se faire par des directives internes, par des clauses dans le contrat de travail, ou encore par des accords passés avec la représentation des travailleurs dans l’entreprise ou par des accords collectifs conclus entre les associations de travailleurs et les associations d’employeurs.
Une réflexion à mener dans chaque entreprise
Cette vision des choses répond à une certaine logique. Régler la question du droit à la déconnexion par la loi est à la fois trop compliqué et trop contraignant, tant les entreprises diffèrent les unes des autres par leur taille et par leurs secteurs d’activités. En outre, chacun réagit différemment face au mail professionnel du samedi soir: certains y répondront parce que cela les rassure alors que d’autres préféreront ne l’ouvrir que le lundi matin. A mes yeux, une politique de RH moderne oblige chaque firme à se préoccuper de cette question. La santé des collaborateurs relève de la responsabilité des employeurs, car l’on sait quel peut être le coût humain et professionnel d’un burnout. Une réflexion doit être menée dans chaque société, surtout à une époque où les modes de vie évoluent vite: les jeunes talents, en particulier, recherchent plus de liberté et souhaitent davantage du télétravail. Il s’agit dès lors de veiller à ce que les «règles du jeu» soient en adéquation tant avec les impératifs de rentabilité de l’entreprise qu’avec les contraintes et les desiderata des employés.
Cela dit, ne soyons pas trop naïfs: de nombreux chefs d’entreprise constatent que des collaborateurs alternent allègrement activités professionnelle et privée au travail, que ce soit avec l’ordinateur du bureau ou avec leur propre smartphone. Une petite commande chez Zalando par ici, une réservation de vol chez Easyjet par là ou encore une recherche sur le prochain festival musical sont monnaie courante. Il s’agit donc de faire de l’ordre et d’appliquer des règles claires pour l’ensemble des collaborateurs. C’est ainsi qu’une entreprise moderne pourra attirer de jeunes talents et prévenir le surmenage professionnel. Il faut pour cela édicter des règles sur mesure, mais surtout pas de lois. C’est une simple question de bon sens.
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