La signature de l’accord institutionnel avec l’Union européenne permettrait à notre pays de poursuivre le développement de la voie bilatérale avec un partenaire commercial incontournable. L’heure est au pragmatisme dans ce dossier aussi émotionnel que complexe.
L'accord-cadre avec l’UE est en fâcheuse posture. En décidant de ne rien décider en décembre dernier sur ce texte, qui doit consolider l’accès de la Suisse au grand marché européen, le Conseil fédéral a plongé notre pays dans une grande incertitude. La procédure de consultation qu’il a lancée dans la foulée n’a fait que renforcer le malaise avec notre grand voisin. Devant cette Europe partisane du tout ou rien, un gouvernement déchiré, des partis en ordre dispersé, et une opinion publique déconcertée par ce triste spectacle, il s’agit pourtant de garder la tête froide. Et de regarder la vérité en face: oui, de nombreux arguments militent en faveur d’une signature, ainsi que l’a également reconnu la faîtière economiesuisse cette semaine.
Tout d’abord, cet accord doit permettre de poursuivre et de développer un axe bilatéral qui, rappelons-le, constitue déjà un plan B suite au rejet de l’Espace économique européen, en 1992. Autant dire qu’il n’existe guère d’autres voies, à part une improbable adhésion, l’isolation ou la conclusion d’un accord de libre-échange nettement moins avantageux pour nos entreprises. Dans ce contexte troublé, le fait que Bruxelles rejette toute nouvelle négociation devrait nous inciter à adopter ce texte au nom d’un certain pragmatisme. D’autant que le chef de notre diplomatie admet que cet accord répond à 80% au mandat de négociation fixé au début du processus. Il reste certes quelques pierres d’achoppement, mais rien qui permette d’ériger un mur…
Parmi les avantages que procurerait ce traité, citons notamment la possibilité de conclure de nouveaux accords d’accès à ce grand marché, l’adaptation possible des traités existants, la participation au programme-cadre de recherche ou encore la reconnaissance possible d’équivalence boursière. J’ajoute que l’instauration d’un règlement des litiges avec Bruxelles dans le cadre d’un tribunal arbitral, au détriment de la Cour de justice de l’Union, constitue une option dont la Suisse aurait tout lieu de se satisfaire.
En outre, l’adaptation des mesures d’accompagnement avec, en particulier, le passage du délai d’annonce des travailleurs détachés de huit jours calendaires à quatre jours ouvrables, ne justifie en rien de mettre en péril ce texte. D’autant plus que les cantons ont déclaré que cet ajustement est envisageable moyennant l’engagement de forces supplémentaires et une mise à niveau des ressources informatiques. Il faut, enfin, saluer le fait que la reprise automatique du droit européen soit exclue de l’accord. L’adaptation prendra dès lors une forme dynamique, qui respecterait nos institutions.
Un rejet aux conséquences lourdes
Favoriser des relations de bon voisinage avec un partenaire vers lequel partent 53% de nos exportations relève d’une sagesse certaine. Car un rejet de cet accord institutionnel aurait de lourdes conséquences pour notre pays: pas de nouveaux accords donnant accès au marché intérieur européen, pas de modifications de traités existants, pas de reconnaissance d’équivalence boursière (dès juillet 2019) ou encore rétrogradation de la Suisse dans le programme-cadre de recherche. Sans oublier l’absence d’un accord sur l’électricité avec les 27.
Cette vision d’un avenir incertain est déjà perceptible dans la mesure où l’Union européenne durcit le ton à l’égard des pays non-membres. Celle-ci a ainsi décidé de couper tout financement à dix ONG humanitaires suisses dès cette année. Le montant total de ces subventions atteint 50 millions d’euros par an. Caritas Suisse, Médecins sans frontières ou encore Terre des hommes sont concernées par cette mesure draconienne. Bruxelles s’est défendue de toute mesure de rétorsion à l’égard de la Suisse, invoquant plutôt le contexte du Brexit pour justifier sa volte-face. Mais que l’on ne s’y trompe pas: l’UE tient bien le couteau par le manche. Et, accessoirement, les cordons de la bourse.
Dans ce contexte, dire oui à un accord-cadre même imparfait relève d’un choix tout simplement pragmatique.
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