Le franc suisse ne cesse de s'envoler face à l'euro et à d'autres devises. Ce contexte ne fait guère les affaires des entreprises exportatrices dans un marché de plus en plus morose. Le maintien, voire le renforcement, des conditions-cadres s'impose plus que jamais.
Les Suisses qui projettent de prendre des vacances dans les pays de la zone euro ont la banane: la monnaie européenne ne cesse de reculer face au franc suisse. Mardi, l'euro se négociait autour de 0,95 centimes. Ce cours historiquement bas ne fait en revanche pas sourire les industries exportatrices, qui voient ainsi leurs produits renchérir mécaniquement. Parallèlement, et pour ne rien arranger, les entrées de commande refluent en raison, notamment, de la récession qui frappe l'Allemagne, l'un des marchés principaux des industriels d'ici.
Responsable pour la Suisse romande de Swissmem (industrie des machines), Philippe Cordonier n'y va pas par quatre chemins: dans le magazine «Bilan», il parle d'un «cocktail toxique» de récession industrielle et de franc fort. Car si les exportations vers l’Allemagne régressent, il constate que les ventes reculent de manière générale dans un environnement économique assez morose. Dans «24 heures», lundi, Jean-Pascal Bobst, CEO de la société éponyme, a expliqué que «l’an dernier, le renforcement du franc face à l’euro – et au dollar – nous a conduits à enregistrer entre 80 et 100 millions de francs en moins dans nos comptes».
Les marges s'érodent
Les esprits positifs feront remarquer que les entreprises industrielles suisses n'ont pas leurs pareilles pour compenser la force du franc par une efficience accrue et une capacité innovative hors norme. Mais jusqu'à quel niveau, et jusqu'à quand? Entre la force du franc qui rend les équipements plus chers et un marché en recul, les entreprises voient leur compétitivité chuter au niveau des prix et leurs marges s’éroder dangereusement. Confrontées à ce double étau, elles se trouvent pour ainsi dire sans solution à court terme. Certaines d'entre elles, d'ailleurs, ont mis leur personnel au chômage partiel, alors que d'autres songent à terme à délocaliser.
Dans ce contexte complexe, les yeux de l'économie se tournent vers la Banque nationale suisse (BNS), dont on se souvient qu'elle avait instauré un taux plancher de 1 fr. 20 pour 1 euro en septembre 2011 pour préserver l'économie des risques d'une monnaie trop forte. Un taux qu'elle abandonnera d'ailleurs trois ans et demi plus tard, provoquant la stupeur des entrepreneurs. Pour l'heure, la BNS ne semble pas envisager un retour à une telle extrémité.
Un premier signal positif
Toutefois, un premier signal positif est venu à mi-décembre, lorsque Thomas Jordan, président de la BNS, a indiqué que la priorité de la banque centrale n'irait plus à la vente de devises. Une politique - ayant allégé son bilan de plus de 300 milliards de dollars et d’euros - qui a eu cours de nombreux mois dans le but d’agir sur l’inflation. La stabilisation des prix semble sur la bonne voie au vu des derniers chiffres et explique ce revirement bienvenu pour les exportateurs. La BNS ne devrait donc plus laisser le franc suisse s’apprécier sans réagir, mais cela suffira-t-il?
Dans un monde qui ne cesse d'évoluer, mais pas toujours dans le bon sens, les autorités doivent donc veiller à consolider les conditions-cadres. Surtout, la Suisse doit conclure des accords de libre-échange – celui avec l’Inde est à bout touchant – pour ouvrir encore davantage son économie. Celle-ci attend aussi des résultats tangibles des négociations entre Berne et Bruxelles sur des Bilatérales III, l'UE restant notre partenaire commercial le plus important.
Être agile dans un monde fragile, voilà une résolution plus qu'actuelle pour 2024.
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