Il n'appartient pas à l'Etat de fixer les salaires dans les entreprises. Cela semble tomber sous le sens, mais avec son initiative populaire pour un salaire minimum à 4000 francs par mois, sur laquelle nous votons le 18 mai, l'Union syndicale suisse (USS) remet fondamentalement en cause cette évidence. Chaque employeur doit pourtant pouvoir fixer les rémunérations en fonction de la rentabilité de sa société ainsi que de la concurrence à laquelle il est confronté dans son domaine d'activité.
Casser ce principe exposerait notre pays à des conséquences aussi multiples que néfastes. Si toutes le branches d'activité doivent octroyer au moins 22 francs de l'heure à chacun de leurs employés, comme le prévoit le texte de l'initiative, de nombreux hôtels, magasins, salons de coiffure, maraîchers ou encore paysagistes seront tout simplement contraints de mettre la clé sous la porte. C'est un fait incontestable : il existe des secteurs qui vivent avec des réalités en-dessous des standards préconisés par l'USS. Des standards qui – il faut le souligner – seraient les plus généreux au monde, pratiquement deux fois plus élevés que le smic luxembourgeois, lui-même déjà le plus haut d'Europe.
«Il n'y aura qu'à augmenter les prix», affirment les syndicats. La vérité, c'est que de nombreuses entreprises ne le peuvent tout simplement pas. L'hôtellerie, pour prendre un exemple, fait souvent face à une concurrence internationale. La clientèle étrangère, mais également helvétique, peut très bien décider d'aller passer ses vacances dans un autre pays que la Suisse. Le commerce ? L'augmentation du tourisme d'achat - phénomène déjà intense en raison du franc fort - serait immédiate en cas de hausses des prix dans les boutiques.
Décréter un salaire minimum si haut, sans tenir compte des régions, des branches, de la situation financière des entreprises, de l'âge des collaborateurs engagés ni de leur formation, se retournerait contre les sociétés et contre leurs employés. Et ce sont les collaborateurs les moins qualifiés qui se retrouveraient sur la touche. Au-delà de l'aspect marketing, on peine à comprendre la logique syndicale là-derrière.
Le salaire minimum n'est pas un tabou dans l'économie. Certaines branches, comme celle des machines, s'en sont déjà doté. Dans d'autres domaines, comme la grande distribution, cela s'est réglé au niveau des entreprises. C'est bien cette voie là qu'il faut privilégier. Ce n'est pas un hasard si la Suisse ne connaît qu'un taux de chômage de 3,3 % avec un modèle basé sur des solutions flexibles, pragmatique et négociée sur le terrain, par le biais de conventions collectives de travail (CCT), alors que la France peine à faire passer son chômage sous les 10 % avec un smic rigide, qui a eu pour autre conséquence nuisible de tirer vers le bas la moyenne des salaires.
Si nous voulons maintenir notre compétitivité et notre réussite, les rémunérations de base ne peuvent pas être les mêmes à l'usine, dans un restaurant d'altitude, un palace, à l'épicerie et au supermarché. Les solutions doivent être taillées sur mesure, d'entente entre tous les partenaires sociaux. Cette initiative apporte beaucoup plus de problèmes que de solutions. La CVCI vous recommande de la rejeter !
Claudine Amstein
Directrice de la CVCI
(Pour LeJournal CVCI n° 49 - avril 2014)
Directrice de la CVCI
(Pour LeJournal CVCI n° 49 - avril 2014)