La réforme de la fiscalité des entreprises entre désormais dans sa phase concrète, au niveau national comme au niveau cantonal. Le 19 décembre dernier, le Conseil fédéral a précisé les contours de ce projet visant l'abrogation des régimes fiscaux cantonaux, qui permettent actuellement d'appliquer des taux d'imposition des bénéfices plus bas pour les entreprises qui réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Attentive aux problèmes que ces changements poseront à un certain nombre de cantons, dont Vaud et Genève, la Confédération s'est fixé pour objectif de «préserver l'attrait fiscal de la Suisse». Elle planchera sur cinq pistes :
- l'introduction d'une taxation privilégiée des revenus tirés de brevets («licence box»);
- La possibilité de soustraire au bénéfice des sociétés les intérêts théoriques que généreraient leurs fonds propres s'ils n'étaient pas immobilisés;
- La suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre;
- La baisse de l'impôt cantonal sur le capital;
- La baisse du taux d'imposition cantonal.
Les cantons sont maintenant consultés. Un projet de loi suivra dans un deuxième temps. Le Conseil d'Etat vaudois a réagi en confirmant que «des adaptations sont nécessaires». Pour ce faire, il a annoncé la création de deux groupes de travail distincts. L'un sera axé sur la problématique des finances publiques et intégrera les communes. L'autre «s'attachera à équilibrer la réforme sur le plan vaudois», selon le communiqué du gouvernement, et associera les milieux économiques.
La CVCI pour un taux unique à 13 %
La CVCI appuie sans réserve les pistes retenues par la Confédération, pistes qu'elle préconise depuis plus de deux ans. Elle soutient également la démarche du Conseil d'Etat, qui prend enfin en mains ce dossier. Les entreprises ont besoin de visibilité à long terme en matière de fiscalité, laquelle doit être aménagée de manière à être rendue durablement compatible au niveau international. Il en va de l'avenir de notre place économique. Comme le montre une étude que nous avons publiée à la fin octobre dernier («fiscalité vaudoise : comparaisons intercantonales»), la question de l'abaissement du taux d'imposition est cruciale pour le canton de Vaud. Avec un taux moyen ordinaire de 23,5 % en 2012, il figure actuellement parmi ceux dont la charge fiscale est la plus élevée de Suisse. Les sociétés soumises à des régimes spéciaux paient grosso modo la moitié de ce taux et il n'est tout simplement pas envisageable de doubler leur ardoise fiscale du jour au lendemain. Un exode serait quasi assuré.
A noter que pour le canton de Vaud, la création de «licence boxes» et la déduction d'intérêts théorique sur le capital propre ne sauraient à elles seules garantir le maintien de notre compétitivité, car de nombreuses entreprises actuellement au bénéfice de régimes spéciaux ne pourraient pas s'en prévaloir. Exemple : les négociants en matières premières. Et ils sont nombreux dans l'Arc lémanique.
La CVCI réitère par conséquent sa proposition de fixer un taux unique d'imposition des bénéfices à 13 % au niveau cantonal. Ce taux aurait l'avantage d'être le même pour toutes les entreprises tout en ne faisant subir qu'une hausse modérée de l'imposition des quelque 350 sociétés actuellement au bénéfice de régimes spéciaux. Cette solution est par ailleurs également privilégiée par le canton de Genève, qui fait face aux mêmes soucis que Vaud en matière d'attractivité fiscale. Il convient désormais d'avancer rapidement dans les discussions, de manière à éviter un trop long intermède d'incertitude.
Le canton de Vaud peut envisager sereinement ces changements. Les finances publiques ont en effet été largement assainies - le canton n'a plus de dette et vient d'aligner huit exercices consécutifs dans les chiffres noirs -, et cela notamment grâce au triplement des recettes de l'impôt sur le bénéfice au cours des dix dernières années. Un taux d'imposition unique cantonal aux alentours de 13 % renforcerait notre position concurrentielle, tant en comparaison nationale qu'internationale, tout en préservant l'emploi. Les finances cantonales en sortiraient elles aussi consolidées.
Philippe Gumy
(Pour LeJournal CVCI n° 46 - janvier 2014)