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Forfaits fiscaux : une initiative inquiétante

    
Notre pays doit-il abandonner les forfaits fiscaux accordés aux contribuables étrangers qui n'exercent aucune activité lucrative en Suisse ? Au risque de les voir quitter le pays ? Nous voterons sur cette question le 30 novembre prochain. 
Le titre de l'initiative populaire soumise au verdict du peuple : «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires». Privilèges… cela sonne très «ancien régime». Ce terme n'a bien sûr pas été choisi au hasard par les promoteurs du texte, la gauche et les syndicats. A peine évoqué, le mot suscite un rejet spontané, si ce n'est viscéral, auprès de citoyennes et citoyens suisses allergiques aux passe-droits depuis les origines de la Confédération.   Le terme «privilège» est toutefois usurpé dans la situation qui nous occupe. Les 5500 ménages au bénéfice d'une imposition forfaitaire acceptent une contrepartie : ils ne peuvent pas travailler en Suisse et une bonne partie d'entre eux paient des impôts, à l'étranger, là où ils exercent une activité. Il n'y a donc pas inégalité de traitement vis-à-vis de tous les autres contribuables (personnes physiques) imposés de manière ordinaire. Les étrangers au bénéfice d'un forfait contribuent pour 700 millions de francs aux recettes fiscales de la Confédération (qui en empochent 30 %) ainsi que des cantons (45 %) et des communes (25 %) où ils sont domiciliés. Le seul canton de Vaud en retire plus de 200 millions de francs. Notons encore que contrairement à tous les autres résidents suisses, les «forfaitaires» ne génèrent pratiquement aucune charge pour les collectivités publiques.
La Suisse est loin d'être un cas isolé. La Grande-Bretagne, la Belgique ou le Portugal n'hésitent pas à faire des forfaits un argument marketing à l'étranger. Et puis aucun pays, aucune institution internationale ne nous demande d'abroger l'imposition d'après la dépense. Ce mode de faire satisfait par ailleurs un certain nombre de cantons (tout particulièrement Vaud, Genève et le Valais), auxquels le fédéralisme accorde une très large souveraineté fiscale. Pourquoi faudrait-il limiter cette marge de manœuvre, qui permet par ailleurs à ceux qui veulent être plus restrictifs, comme Zurich depuis 2009, de légiférer en conséquence ?
Voilà pour le fond. Mais le problème ne s'arrête pas là. L'initiative induit également une énorme incertitude pour de nombreux autres contribuables. Le texte propose en effet d'introduire dans la Constitution fédérale la phrase suivante à l'art. 127, al. 2bis (nouveau): «les privilèges fiscaux pour les personnes physiques sont illicites». La thématique des forfaits ne vient qu'ensuite, dans une deuxième phrase. Qu'adviendra-il des déductions actuellement accordées pour les rachats d'années du 2e pilier ? L'administration fédérale ou des juges pourraient estimer, si l'initiative était acceptée, que leur déductibilité serait contraire à la Constitution, car constituant un privilège. Cette question mérite que l'on s'y arrête. On se souvient qu'en votant sur les résidences secondaires, les Suisses pensaient les limiter dans les seules stations touristiques. Or une commune comme Allaman figure maintenant sur la liste des localités abritant plus de 20 % de résidences secondaires ! Leçon à retenir : la formulation des initiatives populaires doit être examinée à la loupe. Celle qui nous occupe est franchement inquiétante. Il s'agit là d'une raison supplémentaire pour la refuser. 
Claudine Amstein
Directrice de la CVCI
(Pour LeJournal CVCI n° 53 - septembre 2014)