Le projet du Conseil fédéral consiste à taxer toutes les énergies, à terme, pour mettre en place la Stratégie 2050. Les PME seraient lourdement pénalisées.
Le Conseil fédéral propose de mettre en place un système incitatif en matière climatique et énergétique. D'un modèle actuellement basé prioritairement sur des subventions (programme bâtiments, soutiens au renouvelable), on devrait évoluer vers un système reposant sur des taxes - climatique et sur l'électricité - dont le produit sera à terme entièrement redistribué aux ménages et aux entreprises.
Ce projet est conçu comme la deuxième étape de la Stratégie énergétique 2050, dont le premier volet – sur lequel la CVCI est entré en matière de manière critique - est actuellement débattu par les Chambres fédérales. Très concrètement, le système incitatif soumis à consultation prévoit l'introduction d'une taxe sur l'énergie dès 2021. Elle remplacera la taxe sur le CO2 et ainsi que la "taxe RPC" (le supplément sur les coûts de transport des réseaux à haute tension). Le "programme bâtiments" devrait être abandonné en 2025, la RPC en 2030 seulement, avec un déploiement jusqu'en 2045.
Taxes élevées
Le Conseil fédéral prévoit d'inscrire cette politique incitative dans la Constitution, ce qui nécessitera donc un vote à la double majorité. Le montant de la taxe à appliquer sera décidé ultérieurement par le Parlement, mais quatre variantes sont déjà évoquées. Deux intègrent une taxe sur les carburants, allant de 1,3 centime (en 2021) à 26 centimes (en 2030) par litre. Deux autres scénarios, que le Conseil fédéral privilégie, ne prévoient aucune taxe sur l'essence et le diesel. Toutes les variantes envisagent en revanche une taxe sur l'électricité comprises entre 2,3 centimes en 2021 et 4,5 centimes en 2030. La taxe sur les combustibles pourrait aller de 23 centimes à 89 centimes, en fonction des scénarios et de la date retenue.
Les entreprises à forte intensité énergétique et à fortes émissions de gaz à effet de serre, pour qui la taxe entraînerait des effets «déraisonnables», pourraient être exemptées, au moins partiellement. L'objectif de cette politique fiscale est de diminuer la consommation d'énergie tout en favorisant les énergies renouvelables, de manière à opérer le tournant énergétique visant à sortir du nucléaire.
Incitations ou subventions : il faut trancher
Sur le fond, la CVCI est favorable au passage d’un système de subventions à un système d’incitations. La politique fiscale énergétique doit être neutre, avec une redistribution totale des recettes. Actuellement, la politique de subventions pratiquée via le «programme bâtiments» et la rétribution à prix coûtant (RPC) crée de nombreux effets d’aubaine qui ne contribuent pas - ou très peu - à la transition énergétique ainsi qu’à la politique climatique.
Cela dit, la fiscalité écologique ne doit pas être le seul instrument en matière de politique climatique et écologique. Les expériences menées dans le cadre de l'Agence de l'énergie pour l'économie (AEnEC), basées sur des conventions d'objectifs, montrent que les mesures volontaires portent leurs fruits et conduisent à des économies d'énergie supérieures à celles qui étaient prévues.
La CVCI estime qu'il faut aller beaucoup plus vite vers l'abandon du modèle actuel de subventions, qui conduit trop souvent à des investissements inefficients en matière énergétique. Envisager de pratiquer la RPC jusqu'en 2030, avec des versements jusqu'en 2045 n'est pas la bonne option. Le rétablissement de la vérité des coûts est urgent si l'on ne veut pas perpétuer les dysfonctionnements durant des décennies.
Pas de cavalier seul
Une concertation internationale dans la mise en œuvre de cette nouvelle politique fiscale nous paraît par ailleurs être un préalable indispensable. Toute action solitaire et non coordonnée rendrait notre économie moins compétitive, alors que les entreprises doivent déjà composer avec des charges plus élevées qu'à l'étranger (loyers et salaires) ainsi qu'avec une devise helvétique désormais durablement surévaluée.
Toujours en parlant compétitivité, le projet soumis à consultation est beaucoup trop restrictif en matière d'allègements de taxes pour les entreprises. Seules celles dites "à forte intensité énergétique et à forte émissions de gaz à effet de serre" pourraient être exemptées. Cela revient à inciter les sociétés les plus dynamiques à délocaliser leur production énergivore à l'étranger. La CVCI est d'avis que toutes les entreprises doivent pouvoir être exemptées de la taxe, moyennant la conclusion de conventions d'objectifs d'économies (par exemple sous l'égide de l'AEnEC).
Philippe Gumy
(Pour LeJournal CVCI n° 62 - juin 2015)