Depuis quelques années à chaque rentrée, le soussigné se livre, dans ces colonnes, à un point sur la situation du marché des places d'apprentissage dans le canton de Vaud. La rentrée 2012 est dans ce domaine assez similaire aux rentrées précédentes.
Le nombre de contrats signés poursuit sa progression pratiquement ininterrompue depuis près de 10 ans. Depuis 2003, les contrats d'apprentissage signés chaque année ont presque doublé dans le canton de Vaud. De fait, le nombre d’apprentis en formation n'a jamais été aussi élevé qu’actuellement.
On pourrait donc penser que la situation n’est pas (ou plus) problématique. Hélas, il faut admettre que l'état du marché vaudois des places d'apprentissages reste tendu et imparfait. En effet, l’augmentation spectaculaire des places d’apprentissages disponibles n’a pas (encore) permis de compenser totalement les effets de la très dynamique démographie vaudoise. On constate, depuis 20 ans, une progression constante du nombre de jeunes sortant de l’école obligatoire. Néanmoins, si l'augmentation des places d'apprentissage se poursuit, même à un rythme moins soutenu, le nombre proposé devrait globalement correspondre à la demande des jeunes. Le principal défi à relever pour tous les partenaires de la formation professionnelle sera de faire correspondre autant que possible l'offre et la demande sur un plan qualitatif. En effet, la situation est très contrastée selon les secteurs, et ce depuis plusieurs années. Les métiers du bâtiment et de l'industrie peinent à trouver suffisamment de candidats en regard des places à disposition, tandis que les branches «soins-santé-social» ainsi que «commerce», font face à une pléthore de candidats pour chaque poste ouvert.
Ce premier défi s'accompagne d'un deuxième - tout aussi ambitieux - qui lui aussi concerne tous les partenaires de la formation professionnelle : améliorer et optimiser la transition entre l'école obligatoire et l'entrée en apprentissage. Dans le canton de Vaud, la part des jeunes qui commencent un apprentissage immédiatement après la sortie de l’école obligatoire a, en trente ans, enregistré une diminution spectaculaire. Si un jeune sur deux commençait un apprentissage à la sortie de l’école dans les années huitante, ils ne sont plus qu’un quart en 2012. Comme le relevait, récemment, un grand quotidien vaudois, un élève sur cinq à l’issue de la scolarité obligatoire poursuit directement sa formation dans une filière de transition, le plus souvent au sein de l’Organisme de perfectionnement scolaire, de transition et d’insertion (OPTI). Cette situation n'est certes pas nouvelle, puisqu'elle date de la création de l'OPTI en 2004, mais elle n'est clairement pas satisfaisante.
Les milieux économiques ne contestent pas la nécessité d'une offre de transition (rappelons ici qu'ils avaient contribués à mettre en place l'ancêtre de l'OPTI dans les années nonante). Cependant, pour la CVCI, cette année de transition ne doit pas devenir la norme et tout doit être mis en œuvre pour l'éviter lorsque c'est possible. Pour cela, il faut s'attaquer aux causes du report progressif de l’entrée en apprentissage qui, précisons-le d'emblée, sont à la fois complexes et multiples. Il est, à notre avis, faux et contre-productif de pointer du doigt un unique responsable. C'est politiquement très tentant et facile de stigmatiser d'un côté les entreprises coupables de n'engager que les meilleurs et les plus mûrs, et de l'autre l'école obligatoire incapable de former des jeunes d'un niveau suffisant pouvoir prétendre à une place d’apprentissage.
La CVCI est convaincue que ce défi ne peut être relevé que si tous les acteurs concernés (association économiques, entreprises, école obligatoire, orientation professionnelle et structure de transition) travaillent ensemble sans vision dogmatique. Dans ce cadre, le réseautage et une collaboration pragmatique entre acteurs privés et étatiques permettrait de faciliter et d'accélérer l’entrée d'un grand nombre de jeunes en apprentissage.
Julien Guex
(Pour LeJournal CVCI n° 31 - septembre 2012)