Le peuple et les cantons se prononceront dans moins d’un mois sur l’initiative dite «pour l’autodétermination». C’est encore le moment de rappeler combien celle-ci mettrait à mal la crédibilité de la Suisse, ainsi que sa place économique.
Le 25 novembre prochain, le sort de l’initiative dite «pour l’autodétermination» (ou contre le droit international) sera scellé. Si les sondages laissent espérer aujourd’hui un rejet, la dernière ligne droite menant aux urnes doit être l’occasion de rappeler à quel point ce texte, qui veut introduire la suprématie du droit constitutionnel suisse sur le droit international, serait néfaste pour notre pays. Le principe proposé? S’il existe une contradiction – même minime – entre un traité et la Constitution fédérale, celui-ci devrait être renégocié et, «au besoin», résilié par la Suisse. Cette vision très simpliste du cadre juridique constitue une attaque frontale contre le droit international et les quelque 5000 accords que notre pays a conclus avec d’autres États. En toute souveraineté et en toute indépendance, rappelons-le.
S’il est funeste, ce texte est surtout inutile, car il crée un problème là où il n’y en a manifestement pas. En exigeant que «la Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale», l’initiative enfonce une porte ouverte. Car aujourd’hui déjà, grâce aux vertus de notre démocratie, conclure un traité contraire à notre charte fondamentale n’est pas possible. Plusieurs garde-fous le garantissent: les consultations obligatoires des milieux concernés et des cantons, l’approbation par les Chambres fédérales, c’est-à-dire des représentants du peuple, le référendum obligatoire pour toute demande d’adhésion à une organisation internationale, comme l’ONU ou, encore, le référendum facultatif pour les traités d’importance, à l’exemple des accords bilatéraux avec l’Union européenne (UE).
Certains objecteront qu’il se peut, suite à l’adoption d’une initiative populaire, qu’une contradiction entre un traité international déjà en vigueur et la Constitution se fasse jour. Aux dires du Conseil fédéral, les cas sont rarissimes. Et jusqu’à présent, ils se règlent avec pragmatisme, en tenant compte des intérêts de la Suisse. Cas d’école: les Chambres fédérales ont agi de cette manière pour mettre en œuvre l’initiative «contre l’immigration de masse». Il est par ailleurs possible, aujourd’hui déjà, de lancer une initiative populaire visant à résilier le traité en question. C’est par exemple le but de celle qui vise à dénoncer l’Accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE. On le voit, notre arsenal juridique permet déjà de parer à tous les cas de figure. Il est superflu d’en rajouter une couche.
Réputation à maintenir
Un deuxième argument – parmi bien d’autres – milite en faveur du rejet de cette initiative: son adoption aurait pour conséquence d’isoler la Suisse en remettant en question sa réputation de partenaire fiable. L’instauration de la suprématie du droit constitutionnel sur le droit international déstabiliserait profondément le cadre juridique suisse et susciterait une grande méfiance chez nos partenaires étrangers. Quel État voudrait encore conclure un accord si nous nous réservons à tout moment le droit de ne pas tenir nos engagements? Poser la question, c’est y répondre.
De là découle une troisième raison majeure de glisser un non dans l’urne le 25 novembre prochain: une telle initiative ne tient aucun compte du fait que nous avons besoin de conclure des accords avec d’autres pays, et que nous les signons volontairement, en toute connaissance de cause. Ce texte ferait peser une incertitude permanente sur quelque 600 traités économiques conclus par la Suisse avec le monde entier. Notre pays doit une grande partie de sa prospérité aux échanges commerciaux intenses qu’il effectue avec d’autres États. Il est donc impératif de maintenir les accords qui existent actuellement, dans l’intérêt des près de 100’000 entreprises exportatrices que compte la Suisse.